Jeune maman et bébé

Mon post-partum | Récit d’une fragmentation involontaire

Avec la belle attention qu’obtient actuellement le hashtag #monpostpartum, incitant à la libération de la parole autour des difficultés du post-partum, il me semblait dommage de repousser l’écriture et le partage de cet article, qui devait de toute façon venir rejoindre les autres sur ce blog.
Si vous faites partie de mon cercle d’amis rapprochés ou que vous me suivez sur Instagram, vous devez sûrement savoir que la période du post-partum (la période qui suit immédiatement l’accouchement) a été très difficile pour moi. Sur le moment je n’en ai pas tellement parlé, d’abord parce que je ne savais pas très bien ce qui m’arrivait, puis par pudeur et/ou par peur du jugement.

En effet, j’avais eu une grossesse sans souci et non-médicalisée, un bel accouchement physiologique non-médicalisé lui aussi pendant lequel j’ai été totalement respectée, et surtout un beau bébé en bonne santé, en forme et pour qui je ressentais de l’amour. De quoi pouvais-je bien me plaindre ? Eh bien je souffrais. J’ai souffert pendant 6 à 8 mois.

Le post-partum immédiat : le sang, les larmes, la douleur

La première période, de la naissance aux deux mois de mon bébé, a été la pire.

Les premiers jours après l’accouchement j’avais mal. Partout. Me lever était difficile, les tranchées (les contractions de l’utérus qui reprend sa taille et sa place normales) me provoquaient des douleurs absurdes et me plongeaient dans un état qui ressemblait à un état de choc, avec frissons, dents qui claquent, impression de mort imminente.

Si les douleurs de mon utérus, le sang, et les couches ne suffisaient pas, uriner me brûlait (j’ai eu 2 points de suture internes à cause d’une petite égratignure) et j’avais aussi mal aux seins. L’allaitement n’était – au moins au début – pas cette chose magnifique et inée que j’avais imaginée. Non, mes mamelons étaient en sang.

J’étais épuisée, j’avais l’impression que mon bébé ne dormait jamais. Il ne supportait pas de ne pas être dans nos bras. Je n’avais pas le temps ou la possibilité physique de manger. Quand je craquais de désespoir, j’allais prendre une douche et m’enfermais dans la salle de bain, jusqu’à ce que ses pleures m’en tirent. Souvent moi aussi je pleurais.

Un soir en me rendant aux toilettes, une membrane qui devait faire au moins la longueur de ma main entière est tombée dans la cuvette, suivie d’un gigantesque flot de sang. Encore une fois, j’ai cru être sur le point de mourir. Encore une fois, c’était un phénomène tout à fait normal – et non pas une hémorragie.

Mon corps était bizarre, je puais la transpiration, le sang, le lait.

Je me suis demandée comment les femmes étaient censées survivre à cette épreuve, qui m’a parue bien plus difficile que d’accoucher sans péridurale. Comment étais-je censée survivre dans cette douleur, sans dormir, sans manger, presque sans respirer ?

J’avais demandé à ce qu’on ne nous rende pas visite pendant la première semaine, souhaitant rester dans un cocon avec ce nouvel être et mon mari. Si en effet je reste sur ma position et que cette isolation me semble nécessaire d’un point de vue des « visites pour découvrir le bébé » afin de protéger la dyade et l’installation de la parentalité, de jeunes parents ne devraient pas être laissés seuls (ma sage-femme passait nous voir très régulièrement, bien entendu, mais il ne s’agit pas de ça). On devrait leur faire à manger, lancer les machines à laver, étendre leur linge. Masser le corps de la mère. Lui chuchoter encore et encore que promis, cet état n’est que transitoire. Mais nous étions isolés, et trop occupés pour nous rendre compte d’à quel point nous étions dépassés.

Je pleurais tous les jours.

Dépression post-partum

Puis au bout d’environ trois semaines, les douleurs ont presque totalement disparu. J’avais encore un peu mal ici et là. Mon corps me semblait toujours aussi étrange et brisé. Une unique et minuscule vergeture est apparue en post-partum. Plus tard (vers 4 mois), j’ai commencé à perdre mes cheveux par poignées…

J’aimais toujours mon bébé. Mais je n’en voulais pas, et je lui en voulais de me faire subir ça. J’étais épuisée. J’avais faim tout le temps mais je ne pouvais presque pas manger : soit parce que j’avais mon bébé dans les bras, soit parce que le moindre pleur de mon bébé (même lorsque son père s’en occupait) me coupait totalement et irrévocablement l’appétit.

J’étais déprimée, terrassée. Moi qui l’avais tellement voulu ce bébé. Ce beau bébé. Il me semblait la plus belle chose au monde et pourtant, ma plus grosse erreur. Une erreur irréparable. Je me suis plusieurs fois demandé s’il n’y avait pas un endroit où j’aurais pu le rendre. Quelqu’un de plus méritant qui en voudrait. Bien évidemment, et ce sont les sage-femmes et une fabuleuse pédiatre qui me l’ont fait réaliser, j’aurais parcouru la terre entière pour le récupérer si on me l’avait enlevé. Mais on ne se rend pas compte de ça, lorsqu’on est au fin fond de la dépression post-partum.

Je sais ce qu’est une dépression, j’en ai fait plusieurs. Je sais ce qu’est une envie suicidaire, j’en ai eu plusieurs. C’est pour cela que j’ai su que d’une part je faisais une DPP (dépression post-partum), et d’autre part que je ne souhaitais pas me suicider et que je n’étais d’aucun danger pour mon bébé. Petite consolation. Confirmée par le questionnement froid et clinique (et c’est exactement ce qu’il fallait, je ne le dis pas péjorativement) de la pédiatre. Qui m’a dit que j’étais en mode survie. Que j’avais le droit. Tout comme celui de ne pas vouloir faire ce dont je n’avais pas envie. Si vous saviez comme j’avais besoin d’entendre ces mots. Comme ils m’ont libérée !

DPP et hôpital…

Pour tout vous dire je ne sais pas si cet état n’a pas été une chance lors de l’hospitalisation de mon bébé pour l’opération de sa sténose du pylore. Si jusque là je ne dormais pas, alors le sommeil n’était plus qu’un lointain souvenir. Les pleurs, les hurlements, les bips, les passages des soignants, la peur, l’épuisement. Je passe les détails, qui sont dans un autre article. Mais un mois après mon accouchement, mon bébé a subit une opération chirurgicale (bénigne) avec anesthésie générale, sa ré-alimentation s’est très mal passée, jusqu’à ce qu’il soit déshydraté au point d’avoir les veines plates et qu’on ne puisse pas lui faire de prise de sang, mon allaitement a été mis à mal, on m’a engueulée parce que j’étais épuisée et que j’aurais dû rentrer dormir chez moi (ce que j’ai fini par faire deux fois, en larmes), et j’en passe. Au final j’étais tellement à l’ouest que je crois que ça m’a un peu préservée. C’est comme un lointain souvenir, j’ai l’impression de ne pas vraiment l’avoir vécu…

Vivre avec une dépression post-partum…

Puis tranquillement nous avons pris quelques repères, qui ne servaient jamais bien longtemps comme un bébé évolue à la vitesse de la lumière.

Lorsque pour la première fois son père l’a pris pour une petite balade en bas de la maison, je me suis demandé ce qui se passerait si je n’étais plus là lorsqu’ils reviendraient. S’il était possible de faire comme au cinéma, d’aller vivre la belle vie sous les cocotiers en abandonnant fils et mari, sans plus jamais donner de nouvelles. Je me sentais capable de ne jamais regarder en arrière. De tout oublier pour pouvoir revivre. A la place, je me suis allongée sur mon lit et j’ai fixé le plafond.

Nous avons quitté notre appart (que nous détestions et où nous nous étions uniquement installés pour la fin de ma grossesse et la naissance), nous sommes partis en voyage. Il y avait des jours meilleurs que d’autres, lorsque je ne m’effondrais pas en larmes, persuadée d’avoir raté ma vie en la donnant. Mais, comme je le disais à mon mari, je ne pouvais pas respirer. J’avais cette boule immuable sur le sternum.

Je n’avais pas envie de m’occuper de mon bébé, dont je prenais malgré tout extrêmement soin, que nous n’avons jamais laissé pleurer, que j’ai allaité 20 fois par jour, pour qui nous avons marché en long en large et en travers sur ce qui doit représenter des dizaines de kilomètres pour tenter de l’apaiser. Le portage a aidé. L’allaitement aussi, pour les beaux moments de complicité qu’il apporte (lorsque je n’avais pas mal).

…Avant de remonter la pente

Puis doucement la tempête s’est apaisée. Au rythme de la croissance de mon bébé, mon amour pour lui, ma compassion, mon admiration, ma fierté, ma sagesse, ont grandi. La peine, le ressentiment et la boule au sternum ont rétréci. Si je prenais un billet d’avion pour l’autre bout du monde, peut-être que je l’emmènerais avec moi. Les sourires. Les « bêtises ». Être témoin et réceptacle de ces regards d’admiration qu’aucun autre être humain n’étant pas mon enfant ne pourra jamais égaler, encore moins surpasser.

Je me suis sentie aller mieux, vers les 6 mois de mon bébé. J’étais presque sortie d’affaire.

À ses 8 mois, j’ai définitivement dit adieu à la dépression post-partum. Je suis aujourd’hui autant envahie d’amour pour lui que je l’ai toujours été depuis son premier instant sur cette terre, mais aucun nuage (autre que, bien sûr, la fatigue, le manque de temps, le manque de « moi », le manque de sex, le manque d’amis, le manque de yoga, le manque de conversations intellectuellement engageantes, etc) ne vient perturber cette adoration irrationnelle que j’ai pour cet enfant qui n’est autre, évidemment, que le plus beau, le plus drôle, le plus fantastique (etc.) ayant jamais été enfanté.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ?

Cette expérience, je ne veux pas la revivre. Pour le prochain enfant, si nous en faisons un, je serai plus préparée. Je ne vivrais pas cette étape du post-partum seule, je sais qu’il me faudra demander de l’aide à d’autres femmes, dont c’est le métier d’accompagner le post-partum. Une doula, une sage-femme, une consultante en lactation certifiée, au moins.

Et cette expérience a également éveillé en moi un désir de tout faire pour que d’autres femmes autour de moi ne vivent pas la même chose, ou au moins qu’elles ne se sentent pas moins femmes et moins mères parce qu’elles le vivent. Les accompagner, les aider, les écouter, les diriger vers des professionnelles. C’est la raison de la naissance de ce blog. Parce que partager ce que j’ai vécu, c’est peut-être aider une maman à ne pas culpabiliser de se sentir au fond du trou alors qu’elle pense qu’elle devrait être heureuse.

Je savais que le post-partum était un moment difficile mais jamais je n’aurais pensé que ce soit si dur lorsque « tout va bien ».

Et si vous me lisez, je vous implore. Cessez de juger les mères, cessez de vouloir imposer votre vision, cessez de dire au lieu d’écouter. Offrez du temps, de l’aide, de l’écoute. Prenez des nouvelles de la mère et pas seulement du bébé. Soulagez le partenaire, pour que le partenaire puisse soutenir la mère. Ne remettez pas en question les choix, soutenez-les, accompagnez-les. Ne jugez pas les mères.

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5 comments

Dalaria 29 février 2020 - 11 h 35 min

Merci pour ces mots.
La dépression poste partum peut malheureusement être à un deuxième à un troisième….
« C » est mon troisième alors un bébé je sais ce que c’est… et pourtant j’ai jamais autant démuni que pour lui…. il pleur beaucoup/trop
Je m’en veux de pas savoir l’aimer comme j’aurais voulu l’aimer. J’ai souvent envie de le poser là et de partir loin…. je sais au fond de moi que c’est pas ce que je veux et je reste à pleuré encore et encore à hurler aussi….
j’ai jamais été autant entouré et pourtant je me sent perdu et je m’enfonce petit à petit…. on a des jours meilleurs que d’autre ou je me dit que tout ça est derrière nous… mais non pas forcément…
bref
Merci pour vos mots et c’est clair il faut que ce soit entendu vraiment. Oui être parent est merveilleux mais oui ça peut être un véritable calvaire quand on est pas entouré soutenue….

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slowmaman 29 février 2020 - 18 h 11 min

Bonjour, merci pour ton commentaire et ton témoignage. Tu l’as dit, la dépression post-partum peut arriver pour n’importe quelle naissance, première ou pas. Elle peut se répéter aux suivantes… ou pas. Comme tu l’as dit, tu sais déjà ce qu’est un bébé. Mais la dépression ce n’est pas rationnel, ça nous prend, ça nous retourne, et c’est un combat permanent pour sortir la tête de l’eau. As-tu pensé à un suivi avec un professionnel qui s’y connaît en dépression post-partum ? As-tu l’occasion d’en parler à quelqu’un qui t’écoute (réellement et sans jugement) ? Promis, la dépression post-partum finit par guérir, mais la route est longue et difficile. Je t’envoie plein de courage.

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slittlebirds 29 février 2020 - 13 h 28 min

Fiou ce n’est que d’émotions cet article, il me met la petite boule au ventre et les larmes aux yeux (bonjour les hormones, 24sa) mais cela fais du bien d’en savoir un peu plus, il y a tellement de non dit sur la grossesse et l’après grossesse qu’être préparée est compliqué et même si cet article n’est pas spécialement joyeux et que je regrette ce que tu as pu vivre cela aide énormément pour le moment venu à savoir que non tout ne sera pas tout rose mais qu’on est pas seule, que d’autres sont passées par là et que c’est légitime de ne peut être pas bien le vivre. Je n’ai pas eu un début de grossesse magnifique même si cela va mieux et j’ai énormément culpabilisé de ressentir tout cela par rapport à celles qui n’ont pas la chance de pouvoir enfanter et c’était vraiment compliqué à vivre. Bref je m’éparpille, juste merci pour ton témoignage ! et surtout plein d’amour pour toi & ton petit bout <3

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slowmaman 29 février 2020 - 18 h 07 min

Bonjour, merci pour ton commentaire ! Le post-partum peut aussi très bien se passer (et heureusement !) mais c’est vrai que ça peut être très difficile, sur plein de plans. Je pense que j’aurais sûrement mieux réagi à certaines choses si j’avais été mieux préparée. J’espère donc pouvoir aider d’autres futures mamans à se préparer, et des mamans à ne pas trop culpabiliser. Prends bien soin de toi, et je te souhaite une belle fin de grossesse, une jolie naissance et un post-partum qui se passe bien !

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Caro 9 mars 2020 - 15 h 22 min

Quel parcours…J’y retrouve un peu du mien. J’ai accouché il y a un peu plus d’un mois de mon petit garçon, mon deuxième enfant. J’ai fait une dpp pour ma première (pendant 2 ans) qui n’a jamais été diagnostiquée. Ce n’est que récemment, peu de temps avant de retomber enceinte d’ailleurs, que j’ai lu un article qui traitait de ce sujet, puis un autre, un autre, des témoignages par dizaines…Et soudain, tout s’est éclairé. Pas folle, pas seule, pas uniquement traumatisée par mon passé familial compliqué, par mon accouchement. Non seulement je n’étais pas seule, mais en plus, ça avait un nom, ce malaise, ce mal-être. Pourtant j’ai été suivie pendant deux ans par une psy après la naissance de ma fille. Mais jamais je n’ai eu le courage de dire à quel point je souffrais dans ce rôle de mère dont j’avais tant rêvé, à quel point je n’avais rien ressenti suite à mon accouchement traumatique par césarienne en urgence. Ma fille allait bien, cela aurait dû me suffire.. On travaillait donc surtout sur mon passé, pour autant, le présent ne s’arrangeait pas, le futur ne me semblait plus attrayant. Alors je m’alignais sur une image de bonheur,en surface, je faisais comme ci. A l’intérieur, quel désastre, quelle tristesse, quelle colère. Forte de cette découverte, je m’étais dit que je me préparerais au max pour cette grossesse ci, pour ne pas revivre un post partum dantesque, pour ne pas reflirter avec la dépression. J’ai choisi la sophrologie comme préparation, pratiqué toutes les semaines du yoga pré natal en association, commencé une thérapie comportementale pour soigner mon anxiété, changé de maternité pour tourner la page du premier accouchement plus facilement… Je me suis surpassée, je suis fière de cela ! Pour autant, ce deuxième post partum m’a tout de même emportée, malgré un accouchement parfait à mes yeux. J’avais bien appris certaines choses de la première fois, mais pas l’essentiel : il faut laisser les larmes couler, ne pas s’attacher à une image de femme/mère que l’on aimerait renvoyer (surtout quand on culpabilise de la misère de la première fois), il faut savoir dire ce que l’on ressent vraiment, il faut donc savoir s’entourer de personnes sensibles à cette problématique et réussir à lâcher prise. Le personnel de la maternité connaissait mon parcours, mes blessures, je voyais bien qu’ils veillaient à mon bien-être moral, discrètement mais quotidiennement. Alors je voulais leur prouver que j’étais capable d’aller bien, que j’étais une super maman, une super femme. J’ai remis mon masque de perfection, laissé mes larmes couler en cachette quand j’étais certaine que les passages dans ma chambre étaient finis pour quelques heures. Encore une fois, la honte de ne pas être que joie et félicité… Mon fils a eu 1 mois le 2 mars, mes larmes se tarissent d’elles-mêmes, je ne suis pas repartie en DPP ouf et puis, aucun problème à créer le lien avec mon bébé, tout se fait si naturellement. Je suis mère et sais comment agir en tant que telle. Celle qui me manque et qui, je pense, manque à beaucoup de femmes en post partum, c’est la femme justement. D’où cette notion de fragmentation qui me parle complètement. Je comprends tout juste comment tirer quelque chose de tout cela, je veux désormais m’investir auprès des femmes, sensibiliser, à mon niveau, aux enjeux du post partum bienveillant, tant de souffrances qui pourraient être atténuées ! On mérite toutes mieux.

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